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Mardi 12 avril, Alain Mabanckou au Collège de France.

Petite colère d’Alain Mabanckou -selon ses propres termes- pour son troisième cours au Collège de France : il a parlé aujourd’hui de la représentation et de la vulgarisation des Lettres africaines, en deux temps. D’abord en nous expliquant comment à force de la spécifier on l’a rendue périphérique; puis, plus récemment, en pointant les risques encourus par la prolifération de collections spécifiques à la littérature africaine (pourtant de langue française !) au sein des maisons d’édition.

Le propos a été très visuel puisqu’il s’est appuyé sur de nombreuses couvertures de romans : reflets d’un inconscient colonial et d’une Afrique imposée, entre couchers de soleil, acacias et autres clichés exotiques. Alain Mabanckou nous a raconté qu’à ses débuts il s’était entendu dire que son texte manquait « de vraies scènes africaines » ! Il n’a d’ailleurs pas épargné ses propres publications, dont il a aussi analysé les couvertures. A lire : un texte de Binyavanga Wainaina publié dans l’ouvrage dirigé par Alain Mabanckou et Michel Le Bris, L’Afrique qui vient (2013).

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Plus récemment, la littérature africaine, en faisant l’objet d’un traitement à part, a subi une ghettoïsation éditoriale : voir les collections dédiées, de Hatier (« Monde noir ») à Actes sud (« Suites africaines ») en passant par Gallimard (« Continents noirs »)… ou comment passer dans la collection blanche de Gallimard finit par s’apparenter à une promotion, quand on passe du côté de la « vraie » littérature… Comme l’a martelé Alain Mabanckou, seule la singularité de la plume sépare le bon grain de l’ivraie.

Belle conclusion sur l’adoption simple du français par Alain Mabanckou pour écrire. La priorité : rêver, penser, créer d’abord et donner ensuite une langue. Il a utilisé l’expression de sorte de grondement de langues.

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Mardi 12 avril, A. Mabanckou et Jean-Marc Moura.

A suivi le séminaire avec Jean-Marc Moura, qui a évoqué la question des études littéraires postcoloniales. Théorie à prendre ici au triple sens que lui accorde Antoine Compagnon dans Le démon de la théorie : une histoire, une théorie et une critique. Le postcolonial est à comprendre comme une perspective sur la littérature et non comme un concept historique. Au sujet de la francophonie, de la question de la langue, a été évoqué le manifeste du 15 mars 2007 en faveur d’une langue française qui serait « libérée de son pacte exclusif avec la nation », Pour une littérature-monde.

A lire : les préfaces de Sartre aux Damnés de la terre de Fanon et à l’Anthologie de la poésie nègre et malgache de Senghor; Aux Etats-Unis d’Afrique d’Abdourahman Waberi; Le vieux Nègre et la médaille de Ferdinand Oyono.

On écrit dans la langue qui nous a porté vers la lecture et la littérature.  Nous inventons une langue qui est la nôtre. La langue véhicule forcément un discours de domination. (A. Mabanckou)

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